2021 avec "Prouvenço d'aro"
Li santoun de Louis Sciarli, foutougrafe
par Andrieu Poggio
Article publié dans le Prouvenço d'aro du mois de décembre 2020
" De ce temps, comme il n’est pas conseillé de se promener, je suis chez moi en attendant des jours meilleurs. J’en ai profité pour fouiller dans "mes papiers et, dans le tas, je suis vite tombé sur les traces d’une belle rencontre faite avec le photographe Louis Sciarli.
J’étais allé le voir chez lui, à Marseille, au début de 2016, parce que je venais de découvrir son nom sur un livret intitulé 4 danses provençales. "Accompagné de 4 disques où la musique était jouée par des galoubets et des tambourins, le livret expliquait la chorégraphie de la farandole, "de la fricassée, des cordelles et de la mazurka. C’était l’oeuvre de Marie-Rose Poggio*.
Sciarli, lui, avait fait les photos.
La publication ne datait pas d’hier, elle avait été faite en 1952. Qu’était-il devenu, le Sciarli?
Quelques indices sur le net, deux coups de téléphone, et nous avions pu nous rencontrer. C’était un homme bien conservé, avec un peu de l’allure et aussi de la diction de Rellys, et à 91 ans, une étonnante fraîcheur d’esprit et de parole («j’essaie de suivre mes raisonnements»), avec une charretée de souvenirs. Bien sûr, il se souvenait des petits danseurs provençaux : « nous avions fait tout ça à Bois-Luzy ».
Je l’ai écouté et enregistré pendant 2 heures !
Louis Sciarli fut un très grand photographe. Né en 1925 à La Ciotat, il a été un témoin d’une belle partie de l’histoire de la Provence maritime dans la seconde moitié du XXe siècle.
Tout l’intéressait, aussi bien les prouesses techniques du monde moderne que la fréquentation des artistes.
- il fit un reportage « radieux » sur la maison du Fada, à Marseille. Ses photos montrant la vie des habitants de la Cité Radieuse, et les gosses de l’école, sont de véritables chefs-d’œuvre. D’ailleurs, les ayant vues, Le Corbusier lui en offrit un relevé décalqué… que Louis a vendu un très bon prix. «Ah, Corbu !!!» lâche-t-il, admiratif.
- il inventa des décors de films pour Marcel Pagnol, créant à partir d’une maquette l’agrandissement photographique correspondant à la dimension des studios.
- il avait un contrat avec les Chantiers Navals de La Ciotat. Et chaque bateau, depuis la première soudure jusqu’au lancement final et spectaculaire, il devait en photographier toutes les étapes de la construction.
Il y aurait encore beaucoup à dire, des pages et des pages, sur ses souvenirs. Il fut présent partout où il y avait de l’action. Tenez, par exemple, il était à Monaco pour le Grand Prix automobile de 1955, lorsque le grand champion italien Alberto Ascari et sa Lancia plongèrent dans le port à la sortie du tunnel.
Mais il me semble que la photo dont il était le plus fier, c’est celle prise quand le FLN fit exploser les réservoirs d’essence à Mourepiane, dans la nuit du 25 août 1958. Le port de Marseille brûlait dans un gigantesque incendie. « ce qui s’est passé se reproduira », pensa-t-il, et il alla installer son appareil photo sur le hauteurs de Saint Antoine. Quand la seconde explosion eut lieu, il n’eut plus qu’à appuyer sur le déclencheur… Paris Match acheta la photo 1 million de francs! Un gros paquet d’argent pour l’époque.
Il m’avait dit: « je suis conscient que je n’en ai plus pour longtemps à vivre ».
Fatalement un fois de plus il a eu raison, et un jour de juin 2017, il a fait ses adieux à un monde qu’il aimait tant.
Et puisque bien vite va arriver le temps de Noël, je veux vous donner une dernière image de son œuvre, tout à fait dans nos vieilles traditions :
un simple et petit bloc de timbres publié en carnet par La Poste en 1977, illustré par des photos de santons. Des photos qui bien sûr sont signées Louis Sciarli** !
André POGGIO
* Marie-Rose Poggio était ma tante, ce qui explique mon intérêt pour cette plaquette. Institutrice passionnée de danses provençales, elle avait créé un groupe de danse pour les jeunes élèves de son école des Martégaux, à Marseille, Lei Belugo dei Martegau.
** Pour en savoir, et en voir, beaucoup plus sur cet homme extraordinaire, il faut se reporter au livre que lui a consacré Gilberte Dalmasso :
« Photos à l’appui, Louis Sciarli photographe du vrai»